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Anees Salim Les descendants
de la dame aveugle

Traduit de l’anglais (Inde) par Eric Auzoux

« L’une des voix les plus remarquables de la littérature indienne contemporaine. Les livres de Salim mettent en scène des protagonistes musulmans de la classe moyenne inférieure et décrivent les détails de leur vie, y compris ceux qui se perdent dans les récits et les clichés courants sur la communauté. Il dépeint la confusion culturelle avec une étonnante légèreté, se concentrant sur des personnages multifacettes plutôt que sur de grandes déclarations, et avec un incroyable humour, même lorsqu’il raconte des histoires tristes. » — Forbes India

 

« Dans Les Descendants de la dame aveugle, Anees nous apporte le meilleur de la prose contemporaine » — Earthern Lamp Journal

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C’est dans sa ville natale, « petite cité endormie » bordée d’une longue et belle plage, qu’Anees Salim situe ce roman inspiré de l’histoire de sa propre famille.
Un paysage en apparence serein, mais il en va tout autrement au Bungalow, la maison ancestrale un brin délabrée de cette famille musulmane où vivent Hamsa et Asma, « dont seuls les noms riment à peu près », et leurs quatre enfants, guère plus en harmonie.
Un oncle disparu dans d’étranges conditions, une tante deux fois divorcée et une grand-mère dont la cécité est compensée par un franc-parler déroutant, complètent ce noyau familial autour duquel gravitent une galerie de personnages hauts en couleurs, et dont Amar, fils cadet de la maison et athée autoproclamé depuis ses 13 ans, nous conte à travers son journal la saga.
Par son talent à distiller l’humour dans un monde de chagrin, de secrets et de mélancolie, Anees Salim s’affirme comme l’un des auteurs les plus incisifs et inventifs de la littérature indienne d’aujourd’hui.
Publicitaire le jour, écrivain la nuit, Anees Salim est l’auteur de cinq romans, dont Vanity Bagh, prix Lit for Life 2014 (publié par Actes Sud) et Les descendants de la dame aveugle, Prix Crossword 2015, distingué par la Sahitya Akademi en 2018. Il vit à Kochi (Cochin) au Kerala, avec son épouse et son fils.
  • ISBN 979-10-96596-14-0
  • Dimensions du livre 13 x 20.5 cm
  • Nombre de pages 320 pages
  • Prix 20.50 
  • Date de parution 11/03/20
Auteur

Anees Salim

Anees Salim est publicitaire le jour, écrivain la nuit. Son premier livre, « The Vicks Mango Tree », a largement été récompensé, et le deuxième, « Vanity Bagh »(publié chez Actes Sud, 2015) a remporté le Prix The Hindu de la (...)
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Ils en parlent

« Un livre qui a du souffle et tient la distance, passionnant de bout en bout et bascule avec grâce d’un registre à l’autre sans aucun artifice ni recette d’atelier d’écriture, le personnage d’Amar et le regard lucide qu’il porte sur ce petit monde m’ont fait forte impression ».
Jacques Mordret

 

Le livre est excellent. Je le recommande ainsi que les autres livres de Anees Salim.
Joëlle J

 

Dans la presse

La voix de l’écrivain Anees Salim fait désormais partie de celles qui comptent au Kerala. Cet État du sud de l’Inde, communiste depuis 1957 et toujours en résistance contre le gouvernement de Narendra Modi est la région qui compte le moins d’analphabètes et où l’espérance de vie est la plus longue. Son gouvernement a récemment entrepris de « briser la chaîne de contamination du coronavirus » bien avant les décisions fédérales, tout en s’obstinant à faire barrage à la propagande du parti nationaliste hindou au pouvoir, le BJP (Bharatiya Janata Party), qui rend les musulmans responsables de tous les maux de l’Inde et mène contre leurs communautés des opérations punitives meurtrières.

Anees Salim a été personnellement confronté à cette aggravation de la haine. Issu d’une famille musulmane, il s’est souvent entendu répliquer lors de discussions même professionnelles : « Si tu n’es pas d’accord, va vivre au Pakistan ! ». Créé en 1947 lors de l’indépendance et de la partition du sous-continent indien entre Musulmans et Hindous, ce pays, devenu une République islamique, est considéré comme l’ennemi de l’Inde par excellence. « Dans chaque grande ville indienne, explique Anees Salim, il y a « un Petit Pakistan », un quartier musulman où des gens soutiennent, en secret, le Pakistan ». Dans son premier roman primé et traduit en français, Vanity Bagh (Actes Sud, 2015) Anees Salim a ainsi imaginé l’histoire de six jeunes gens rêvant d’accéder à la notoriété. L’un d’entre eux, Imran, le narrateur, est un admirateur inconditionnel des personnalités célèbres et surtout des stars de cinéma qu’il cite à tout bout de champ. Avec ses camarades, il essaie de former un gang alors que dans le quartier voisin, une majorité hindoue militante maintient une pression guerrière contre leur « petit Pakistan ». Manipulés, les jeunes musulmans deviennent, sans le vouloir, des acteurs et des victimes du terrorisme. Et c’est de sa prison qu’Imran – avec un mélange de résignation et d’optimisme, de nostalgie et de détachement – fait resurgir les scènes de la vie quotidienne de son quartier et revivre ses amis, parents et voisins. Il reconstitue la succession souvent rocambolesque d’événements tragiques qui les a conduits au désastre.

Car l’humour est l’arme opposée inlassablement par Anees Salim au désespoir auquel pourraient conduire les rebondissements de ses récits, souvent haletants, mais dont l’issue se révèle fréquemment mortelle. La mort frappe ainsi sans relâche à la porte du Bungalow où vivent Les descendants de la dame aveugle. Cette grande maison un peu délabrée est située en bordure de la voie ferrée, dans une petite ville kéralaise dont la belle plage constitue le seul élément remarquable : elle attire des touristes qui ont de l’argent et parlent anglais ! Le narrateur est à nouveau un jeune musulman, Amar, sur lequel pèse une menace qui se découvre au fur et à mesure de l’avancée du livre. La tonicité de sa voix, la vivacité des dialogues qu’il rapporte, la forte personnalité des membres de son étonnante famille donnent à ce roman constamment inventif une énergie qui transcende l’obscurité toujours présente, matérialisée par le tunnel où s’enfoncent les rames du train et où disparaissent les coupables mais aussi où s’échappe définitivement celui que le tragique finit par submerger, malgré sa fascinante capacité d’analyse et son talent d’écriture.

Par bien des aspects, le narrateur est proche de son auteur. Par exemple, lorsqu’il prend son lecteur à partie en s’exclamant : « Ecoutez, ce n’est pas ma faute si Père n’apparaît pas beaucoup dans ces pages, ne prononce pas de phrases ou n’agit pas aussi souvent que d’autres. C’était un homme de peu de mots. » Il fait écho à des confidences qu’Anees Salim peut faire lorsqu’il accepte – très rarement – de rencontrer ses lecteurs : « Le Bungalow ressemble beaucoup à la maison de mon enfance à Varkala, dont la seule attraction était la plage. Ça a été la seule maison que mes parents aient possédée. C’était un couple aux relations difficiles. Mon père parlait très peu. Il avait rêvé être écrivain et il était très exigeant sur la qualité des livres en anglais présents dans sa bibliothèque. Ma mère était d’une grande vivacité. Je ne sais pas si leur mariage a été un bon mariage. Mais je pars du principe qu’il l’a été. Ma grand-mère était aveugle. Elle l’était devenue à la suite d’une maladie, mais comme elle était pauvre, elle n’avait pu s’offrir l’opération qui l’aurait guérie. Elle a donc vécu dans le noir pendant vingt-ans ».

Les romans d’Anees Salim sont ainsi largement autobiographiques, marqués par son enfance kéralaise, dans une famille de quatre enfants, sans télévision, avec pour seule ouverture sur le monde une grande bibliothèque avec des livres en anglais : « À l’école, l’enseignement était en malayalam (la langue du Kerala). Personne ne parlait anglais autour de moi, sauf les touristes. Quand j’observais ces étrangers qui venaient en vacances chez moi, j’essayais d’imaginer ce qu’était leur vie, leur maison, leur environnement. Qu’allaient-ils faire en rentrant ? Conduire une voiture ? Marcher dans la neige ? Gravir des montagnes ? Toutes ces choses étaient pour moi très étranges. Je ne les avais jamais vues. Mais j’avais ce monde en moi qui peuplait ma solitude. Car j’étais un enfant plutôt solitaire. Je n’avais rien d’autre à faire que lire. Et j’ai donc appris l’anglais, pas de manière académique, mais à travers les livres tirés des étagères de mon père, puis la bibliothèque du British Council quand j’ai pu aller à Trivandrum. Je n’ai jamais écrit en malayalam. Je ne me suis jamais projeté en tant qu’écrivain qu’en anglais. Cela me permettait de voyager. Et si j’avais écris en malayalam, je n’aurais jamais pu obtenir une vraie reconnaissance. Je n’aurais pas été traduit en français. »

Anees Salim est particulièrement fier de la distinction qu’il a reçue en 2018 pour Les descendants de la dame aveugle : le Sahitya Akademi Award, le plus prestigieux prix de littérature indienne, attribué par un jury composé de représentants des 24 langues vernaculaires officielles (sur les 800 langues indiennes !). Anees Salim est le premier auteur keralais à avoir reçu ce prix pour un livre de fiction écrit en anglais : seule Arundhati Roy avait eu jusqu’ici cet honneur, mais pour un essai.

La route du descendant de la dame aveugle est ainsi bien tracée, vers une audience croissante dans son pays comme à l’étranger. Son dernier roman The Small Town sea est déjà adapté au cinéma. Son fidèle allié dans notre langue, Eric Auzoux, ne l’a pas encore traduit en français. Mais après le succès du livre en Inde, cela ne saurait tarder !

Aliette Armel
(Revue Europe, septembre / octobre 2020)

 

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Dans l’ombre de la mort

Inde → « Un mot d’adieu d’une longueur indéfinie », ainsi débutent ces mémoires qui s’annoncent comme un testament. Amar le sait, l’affirme : il n’aura pas la chance d’entrer dans sa vingt-septième année et s’apprête à nous raconter son histoire, dernier maillon d’une malédiction qui semble frapper sa famille.

Anees Salim situe l’intrigue des Descendants de la dame aveugle dans une petite ville indienne, à la fin du XXe siècle. Un bungalow abrite tant bien que mal un couple qui n’a rien à se dire et leurs quatre enfants aux caractères très différents. La tendresse n’existe pas, ou si peu. Amar se débat entre un frère plus âgé, aussi croyant que lui est athée, une soeur dont la vénalité n’a d’égale que la beauté, et un père absent. Son seul réconfort, son aînée Sophiya, perd tragiquement la vie lors d’une sortie scolaire. Le jeune garçon découvre alors que ce n’est pas le premier deuil qui entache l’histoire familiale : son oncle Javi s’est suicidé le jour même de sa naissance, c’est lui qui lui aurait donné son prénom et ils partageraient une bien troublante ressemblance . Peu à peu, la mère va briser les tabous et confier ses secrets.

Dans cette grande saga familiale aux accents mélancoliques se dessine une adolescence presque banale dans un pays qui ne l’est pas. Si Amar s’interroge comme tout un chacun sur l’amour ou l’avenir, se dressent devant lui des barrières bien réelles – religion, poids des traditions et misère. Chatoyante par ses personnages hauts en couleur, notamment les femmes, l’Inde d’Anees Salim révèle aussi sa face sombre et cruelle, celle qui semble n’avoir guère de place pour les rêveurs ou ceux qui choisissent une autre voie.

AMANDINE GLÉVAREC – Le Courrier

 

« Avec un humour exquis et un langage qui pétille, Anees Salim se surpasse ». The Hindu

 

 

Sur le net

Une famille musulmane du Kerala

« Quand j’étais jeune […] notre mère avait pour habitude de planter de minuscules clous dans la porte d’entrée pour éloigner la malchance. La malchance a dû passer par la porte de derrière », confie Amar, le narrateur des Descendants de la dame aveugle, roman de l’auteur indien Anees Salim, né au Kerala.

Si la famille d’Amar semble avoir en effet laissé le mauvais sort s’insinuer dans sa demeure, elle semble s’être aussi montrée prompte à s’y substituer, en tyrannisant, exploitant et faisant passer de vie à trépas certains de ses membres. Amar, victime lui-même des coups du sort ou de sa famille, raconte avec un brin d’ironie leurs différents malheurs, avant de se suicider en bon mélancolique désireux de s’assurer une victoire sur l’absence de sens de l’existence. Il laisse derrière lui les quelques centaines de pages qui forment l’histoire du Bungalow (nom de la maison familiale), c’est-à-dire ce roman, et le termine, bravache, sur une ultime boutade : « La seule chose que je craigne, ce sont les termites ».Amar, qui meurt à vingt-six ans, aurait d’abord plutôt dû craindre les termites intérieurs, ceux qui rongent la psyché et le rapport au monde, mais Amar s’en est bien accommodé pour transformer la simple saga d’une famille musulmane habitant une petite ville de la côte du Kerala en un lamento sur l’impossibilité d’exister. Un épisode de sa jeunesse peut d’ailleurs être lu dans ce sens. Un matin, Amar adolescent fait une fugue qu’il souhaite définitive et parcourt quelques kilomètres à vélo vers la mer, avant de rencontrer un camarade qui lui demande où il va et lui signale que, plus loin, la route bute sur un rocher et s’interrompt. Il ne lui reste qu’à s’en retourner chez lui, à la tombée du jour, retrouver une famille dont il imagine déjà l’angoisse ou la fureur causée par son absence. Lorsqu’il pénètre dans le Bungalow, il trouve la table mise, son couvert préparé ; personne n’a remarqué sa disparition.

Les autres événements que raconte Les descendants de la dame aveugle vont tous ajouter à cette charge de tristesse ; certains empruntent au mode grotesque ou sardonique, d’autres moins. Il y a, par exemple, le « demi-ratage » de la circoncision d’Amar à cinq ans (qui le prédispose selon lui à devenir à 50 % athée), la mort de sa sœur lors d’une sortie scolaire, les blagues qu’il a faites gamin, la vente de biens pour marier la sœur aînée, la double vie du père, l’extrémisme religieux du frère, l’accaparement des biens de la grand-mère – la dame aveugle du titre, qui bien sûr voit plus clair que tout le monde… Il y a surtout la révélation d’un secret de famille : l’existence d’un oncle, à qui Amar ressemble comme deux gouttes d’eau et qui s’est suicidé à l’âge de vingt-six ans – un destin tout tracé dans lequel se glisser. Le continuo triste et grinçant se fait ainsi entendre avec régularité, tandis que les motifs thématiques de redoublement, d’identification, de perte, se répondent. Les différents moments du roman, un peu disparates, s’organisent alors en une mélodie suivie aux tonalités majeures et mineures.

Mineures souvent, car Amar, enfant puis jeune homme de la classe moyenne vivant au sein d’une famille pieuse qui glisse vers la débine dans une petite ville sans intérêt, a plus de quoi s’attrister que sourire. Même une complexion personnelle plus enthousiaste que la sienne flancherait devant le peu d’avenir qu’offrent les circonstances familiales, sociales, religieuses et politiques dans lesquelles le destin l’a placé. Le décor planté par Salim se charge de répéter cette thématique dysphorique : le Bungalow tombe en ruine, des trains assourdissants vrombissent dans le tunnel qui le jouxte, la plage est uniquement fréquentée par des touristes que chaque petit malin ou naïf du coin imagine porteurs de promesses de salut ou de profit (peut-être m’adopteront-ils ? et si elles me prenaient pour amant ou pour mari ?). Ni les merveilleux jambosiers, sapotilliers, tamarins et jaquiers du jardin du Bungalow – bientôt décimés –, ni les lectures des livres de la bibliothèque de son oncle mort, ni son choix de révolte et de libre-pensée, ni ses rêveries érotiques (sans doute les moments les moins convaincants du livre), n’éviteront à Amar l’engluement puis la mort, et les jouissances qu’ils procurent.

Cette saga familiale, avec sa fascination pour l’anéantissement progressif, possède un trait qui la distingue d’autres, produites ces dernières années par le monde indien comme celles de Sahgal, Gosh, Singh Baldwin, Syal, Lahiri, Vassanji… Elle est écrite par un auteur qui n’a jamais quitté le sous-continent, non par un membre de la diaspora, et son destinataire implicite n’est donc pas le lecteur non indien. En n’ayant aucune concession à faire au reportage et au folklore, elle peut mettre en avant une négativité mélancolique et railleuse, et tout ceci par la voix d’un jeune homme qui n’avait peur de rien sauf des termites. À tort d’ailleurs, puisque son livre, leur ayant échappé, finit entre nos mains.

par Claude Grimal, En attendant Nadeau
25 novembre 2020

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/11/25/famille-musulmane-kerala-salim/

 

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Anees Salim est incontestablement un grand raconteur d’histoires.
Patrick de Jacquelot, Asialyst
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« Les descendants de la dame aveugle » est un roman poignant et offre un merveilleux moment de lecture.
Véronique Atasi, Inde en livres
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Un roman poignant.
Alizée English, Instagram – Lecture Détachée
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